Le CEQF, le centre qui voit double! |
Deux pays
Le CEQF est fondé sur un partenariat entre l'Université de Fribourg et le Canton du Jura (Service de la Coopération et Office de la culture). Il se donne d'une part pour mission de comparer le Canada et la Suisse, reliés notamment par deux situations similaires : deux pays fédéralistes et deux minorités francophones. D'autre part, il élargit l'étude de ces échanges à l'ensemble de la Francophonie, pour en comprendre leur fonctionnement, les contacts et les inégalités qu'ils produisent.
Deux attentes
En Suisse romande, aucun centre universitaire ne s'intéresse spécifiquement à la place de ce pays dans l'espace francophone et les incidences de celui-ci sur la vie culturelle et politique de la Suisse. Pourtant, ce cadre transnational est primordial pour comprendre les développements socio-culturels au cours du XXe siècle.
|
Les réalités historiques, sociales, culturelles du Québec et du Canada ainsi que les recherches en sciences sociales qui y sont menées sont encore peu connues en Suisse. Un centre de documentation, où sont rassemblés ouvrages, livres et archives sur les relations entre la Suisse et la Québec, est à même d'offrir aux chercheuses et chercheurs de toutes disciplines un enrichissement à travers cette perspective internationale.
|
Deux approches
Le pôle documentaire est situé dans le Jura, à l'Office de la culture de la République et du Canton du Jura. Cet office abrite la Bibliothèque cantonale jurassienne qui contient une importante collection d'ouvrages et de revues sur les réalités francophones, et les Archives cantonales jurassiens qui conservent, en particulier, les archives d'Auguste Viatte. Ces collections représentent le fonds documentaire initial du CEQF.
|
Le pôle recherche est situé à l'Université de Fribourg, Département d'histoire contemporaine et permet d'organiser des colloques bisannuels, anime des cycles de publications sur ce site et entretient des relations académiques avec les universités canadiennes
|
Présentation CEQF | |
File Size: | 54 kb |
File Type: |
Suisse-Québec : contacts et échanges : quelques jalons historiques
Relations économiques et sociales
C'est en 1604 que les premiers Suisses font la rencontre du Canada: des soldats au service de la France précèdent une vague de colons protestants qui s'installent, au milieu du XVIIIe siècle, en Nouvelle-Ecosse. A ces agriculteurs et à ces soldats s'ajoutent des commerçants, des guides de montagne dans les massifs des Montagnes Rocheuses et des missionnaires.
De 1887 à 2000, environ 50'000 Suisses, dont 40'000 durant la seconde moitié du XXe siècle, ont émigré au Canada. Dès la fin des années 1970, nombre d'agriculteurs de Suisse romande acquièrent des terres au Québec et en Ontario. C'est ce que relate l'émission Temps présent de la TSR en 1978. La famille Perrochon, agriculteurs du canton de Vaud, émigre au Canada à cause de la cherté et de la rareté des terres cultivables en Suisse. C'est la chronique d'un déracinement mais également de la rencontre de l'Autre.
Jusqu'à la fin des années 1950, la balance commerciale penche en faveur du Canada. En 1995, la Suisse exporte pour environ 760 millions de francs et importe pour 383 millions de francs. En 1967 a lieu l'exposition universelle de Montréal. C'est l'occasion, principalement en Suisse romande, de présenter le Canada sous son meilleur jour, en montrant notamment toutes les opportunités économiques que ce pays promet.
C'est en 1604 que les premiers Suisses font la rencontre du Canada: des soldats au service de la France précèdent une vague de colons protestants qui s'installent, au milieu du XVIIIe siècle, en Nouvelle-Ecosse. A ces agriculteurs et à ces soldats s'ajoutent des commerçants, des guides de montagne dans les massifs des Montagnes Rocheuses et des missionnaires.
De 1887 à 2000, environ 50'000 Suisses, dont 40'000 durant la seconde moitié du XXe siècle, ont émigré au Canada. Dès la fin des années 1970, nombre d'agriculteurs de Suisse romande acquièrent des terres au Québec et en Ontario. C'est ce que relate l'émission Temps présent de la TSR en 1978. La famille Perrochon, agriculteurs du canton de Vaud, émigre au Canada à cause de la cherté et de la rareté des terres cultivables en Suisse. C'est la chronique d'un déracinement mais également de la rencontre de l'Autre.
Jusqu'à la fin des années 1950, la balance commerciale penche en faveur du Canada. En 1995, la Suisse exporte pour environ 760 millions de francs et importe pour 383 millions de francs. En 1967 a lieu l'exposition universelle de Montréal. C'est l'occasion, principalement en Suisse romande, de présenter le Canada sous son meilleur jour, en montrant notamment toutes les opportunités économiques que ce pays promet.
Relations culturelles
Dans le tissu des relations entre la Suisse et le Canada, les relations culturelles entre la Suisse romande et le Québec occupent une place particulière, tant du point de vue historique que des recherches effectuées à ce sujet. Ces relations culturelles sont riches et impossibles à résumer sur une page Web comme celle-ci. Nous nous contentons de tracer quelques pistes qui laissent apparaître de vastes domaines encore à explorer. Les relations culturelles sont liées à un contexte économique et social, notamment celui des migrations de part et d'autre de l'Atlantique. Le Dictionnaire historique de la Suisse fait remonter les échanges culturels aux peintures de Peter Rindisbacher, artiste du Haut-Emmental ayant émigré au Canada.
Mais le concept de "relations culturelles" signifie également la possibilité de mettre en parallèle les sociétés suisse romande et québécoise dans l'évolution des politiques culturelles, des sociabilités culturelles et des représentations. Au cours des XIXe et XXe siècles, ces évolutions de part et d'autre de l'Atlantique connaissent d'intéressantes ressemblances.
Littérature : Depuis la fin du XIXe siècle, on observe des structurations semblables des champs littéraires Suisse romande et au Québec: affirmation identitaire, positionnement par rapport au centre parisien, tensions avec la langue majoritaire du pays, respectivement l'allemand et l'anglais. Plus loin encore, on peut remarquer que ces deux langues majoritaires font également face à un voisin encore plus important: l'Allemagne pour les Suisses alémaniques et les Etats-Unis pour les Canadiens anglophones. Les médiations d'écrivains entre la Suisse romande et le Québec sont dès lors d'excellents curseurs pour appréhender les champs littéraires de part et d'autre de l'Atlantique. L'itinéraire d'Hubert Aquin survole plusieurs fois l'Océan: il se rend en Suisse à plusieurs reprises, dans les années 1950 à Bâle puis dans les années 1960 à Lausanne. Après avoir été tenté par l'action extrémiste de l'indépendantisme québécois, il revient à Lausanne où il rédige Prochain épisode, roman autobiographique où il mêle son expérience de militant confronté aux forces réactionnaires, québécoises et suisses. Il entretient des contacts avec le chroniqueur littéraire Frank Jotterand et le journaliste Charles-Henri Favrod. Suspecté de collusion avec d'autres mouvements indépendantistes et avec la gauche contestatrice, sont permis de séjour ne sera pas renouvelé par les autorités suisses.
Théâtre : Les milieux du théâtre ont tissé des liens étroits, qui restent à démêler entre ces "périphéries francophones". En Suisse romande, Charles Apothéloz joue les entremetteurs. En 1955, à la tête de la Compagnie des Faux-Nez à Lausanne, il invite Félix Leclerc. En 1967, lors de l'exposition universelle de Montréal, le même Apothéloz, alors directeur du Centre dramatique romand, met en scène la pièce du dramaturge Max Frisch La muraille de Chine qui connaît un grand succès dans la Province. En sens inverse, Michel Tremblay, dont le succès parisien Les Belles-Soeurs coïncide avec le prix Goncourt de Jacques Chessex pour L'Ogre, est présent à de nombreuses reprises en Suisse. En 2002, il présente "Le vrai monde" à Genève (l'affiche de la pièce de Michel Tremblay "Le vrai monde", jouée en 2002 à Genève).
Chanson: Des transferts culturels existent également entre les chansonniers québécois et suisses romands, qui ont tissé des liens souvent amicaux.Félix Leclerc, qui a fait plusieurs tournées passant par la Suisse, a écrit la chanson La Montagnette: éclairage édifiant sur les stéréotypes helvétiques! Les concerts de Leclerc sont l'occasion d'une rencontre avec celui qui l'accompagne à la basse, Léon Francioli. Ce jeune musicien suisse d'origine italienne, politiquement marqué à gauche, n'aura une certaine influence sur l'engagement du chanteur en faveur d'une résistance culturelle à l'influence anglo-saxonne. Les années 1970 représentent une époque d'intenses échanges autour des chansonniers engagés: Michel Bühler, Yvette Théraulaz et Pascal Auberson en Suisse; Gilles Vigneault et Raymond Lévesque au Québec.
Indications bibliographiques
Dans le tissu des relations entre la Suisse et le Canada, les relations culturelles entre la Suisse romande et le Québec occupent une place particulière, tant du point de vue historique que des recherches effectuées à ce sujet. Ces relations culturelles sont riches et impossibles à résumer sur une page Web comme celle-ci. Nous nous contentons de tracer quelques pistes qui laissent apparaître de vastes domaines encore à explorer. Les relations culturelles sont liées à un contexte économique et social, notamment celui des migrations de part et d'autre de l'Atlantique. Le Dictionnaire historique de la Suisse fait remonter les échanges culturels aux peintures de Peter Rindisbacher, artiste du Haut-Emmental ayant émigré au Canada.
Mais le concept de "relations culturelles" signifie également la possibilité de mettre en parallèle les sociétés suisse romande et québécoise dans l'évolution des politiques culturelles, des sociabilités culturelles et des représentations. Au cours des XIXe et XXe siècles, ces évolutions de part et d'autre de l'Atlantique connaissent d'intéressantes ressemblances.
Littérature : Depuis la fin du XIXe siècle, on observe des structurations semblables des champs littéraires Suisse romande et au Québec: affirmation identitaire, positionnement par rapport au centre parisien, tensions avec la langue majoritaire du pays, respectivement l'allemand et l'anglais. Plus loin encore, on peut remarquer que ces deux langues majoritaires font également face à un voisin encore plus important: l'Allemagne pour les Suisses alémaniques et les Etats-Unis pour les Canadiens anglophones. Les médiations d'écrivains entre la Suisse romande et le Québec sont dès lors d'excellents curseurs pour appréhender les champs littéraires de part et d'autre de l'Atlantique. L'itinéraire d'Hubert Aquin survole plusieurs fois l'Océan: il se rend en Suisse à plusieurs reprises, dans les années 1950 à Bâle puis dans les années 1960 à Lausanne. Après avoir été tenté par l'action extrémiste de l'indépendantisme québécois, il revient à Lausanne où il rédige Prochain épisode, roman autobiographique où il mêle son expérience de militant confronté aux forces réactionnaires, québécoises et suisses. Il entretient des contacts avec le chroniqueur littéraire Frank Jotterand et le journaliste Charles-Henri Favrod. Suspecté de collusion avec d'autres mouvements indépendantistes et avec la gauche contestatrice, sont permis de séjour ne sera pas renouvelé par les autorités suisses.
Théâtre : Les milieux du théâtre ont tissé des liens étroits, qui restent à démêler entre ces "périphéries francophones". En Suisse romande, Charles Apothéloz joue les entremetteurs. En 1955, à la tête de la Compagnie des Faux-Nez à Lausanne, il invite Félix Leclerc. En 1967, lors de l'exposition universelle de Montréal, le même Apothéloz, alors directeur du Centre dramatique romand, met en scène la pièce du dramaturge Max Frisch La muraille de Chine qui connaît un grand succès dans la Province. En sens inverse, Michel Tremblay, dont le succès parisien Les Belles-Soeurs coïncide avec le prix Goncourt de Jacques Chessex pour L'Ogre, est présent à de nombreuses reprises en Suisse. En 2002, il présente "Le vrai monde" à Genève (l'affiche de la pièce de Michel Tremblay "Le vrai monde", jouée en 2002 à Genève).
Chanson: Des transferts culturels existent également entre les chansonniers québécois et suisses romands, qui ont tissé des liens souvent amicaux.Félix Leclerc, qui a fait plusieurs tournées passant par la Suisse, a écrit la chanson La Montagnette: éclairage édifiant sur les stéréotypes helvétiques! Les concerts de Leclerc sont l'occasion d'une rencontre avec celui qui l'accompagne à la basse, Léon Francioli. Ce jeune musicien suisse d'origine italienne, politiquement marqué à gauche, n'aura une certaine influence sur l'engagement du chanteur en faveur d'une résistance culturelle à l'influence anglo-saxonne. Les années 1970 représentent une époque d'intenses échanges autour des chansonniers engagés: Michel Bühler, Yvette Théraulaz et Pascal Auberson en Suisse; Gilles Vigneault et Raymond Lévesque au Québec.
Indications bibliographiques
- Claude Hauser et Yvan Lamonde, Regards croisés entre le Jura, la Suisse romande et le Québec, Presses de l'Université de Laval/Office du patrimoine et de la culture de la République et Canton du Jura, Québec/Porrentruy, 2002
- Martin Doré et Doris Jakubec, Deux littératures francophones en dialogue: du Québec et de la Suisse romande : actes du colloque de Lausanne, 25-27 avril 2002, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2004
- Auguste Viatte, D'un monde à l'autre... Journal d'un intellectuel jurassien au Québec: (1939-1949), éd. et présenté par Claude Hauser, Laval : Les presses de l'Université/Paris: L'Harmattan/Courrendlin: Ed. Communication jurassienne et européenne, 2001-2004 (2 vol.)
Relations politiques
Les premières missions diplomatiques suisses au Canada sont créées à la fin du XIXe siècle à Montréal, à Toronto et à Vancouver. En 1945, la légation de Suisse, devenue une ambassade en 1957, est ouverte à Ottawa. En-dehors de l'Organisation internationale de la Francophonie, les deux pays cultivent des relations grâce à plusieurs traités internationaux pour la culture: ils font partie du même groupe régional à l'Unesco; en 1987, les deux gouvernements ratifient un accord sur les relations cinématographiques et audiovisuelles.
Au cours du XXe siècle, plusieurs domaines politiques ont amené la Suisse et le Canada à des approches comparatives. Le fédéralisme, et les politiques publiques que ce système implique, ainsi que les questions identitaires représentent des points de comparaison fertiles.
Les politiques fédéralistes : comparaisons à multiples variables : En ce qui concerne la cohabitation des cultures, le système fédéraliste n'est pas figé; il s'adapte, se pense, se conçoit. Il est donc intéressant de voir en parallèle comment les deux Etats, suisse et canadien, font évoluer cette structure politico-culturelle. Quelles sont les proximités et les différences, entre la Suisse et le Canada, à propos du respect des minorités au sein d'un Etat pluriculturel? Quels modèles ont circulé de part et d'autre de l'Atlantique dans le construction de sociétés multilingues. Le regard doit être porté tant sur les cultures qui constituent ces pays que sur l'accueil des cultures qui viennent de l'extérieur. Les angles d'approches sont donc nombreux. En Suisse, le fédéralisme a par exemple été souvent un frein pour développer une action culturelle plus ambitieuse à l'étranger. L'équilibre culturel et linguistique est en effet souvent invoqué, durant la deuxième moitié du XXe siècle, pour ne pas entreprendre une action plus large dans une aire culturelle plutôt qu'une autre. Au contraire, le Québec, selon la doctrine Gérin-Lajoie développée en 1965, peut mener dans de nombreux champs de compétences une politique culturelle et éducative ambitieuse à l'étranger. Dans les années 1960, les fédéralismes suisse et canadien montrent certaines limites ou, du moins, sont obligés à se réinventer au contact de revendications identitaires.
Les questions identitaires : le Jura et le Québec en miroir : La "Révolution tranquille" et la "Question jurassienne" sont constituées d'une série d'événements qu'on peut mettre en parallèle, même si d'importantes différences les séparent. Apparues au lendemain de la guerre, les revendications territoriales québécoises et jurassiennes naissent principalement d'un sentiment d'injustice pour la culture minoritaire et d'une volonté d'indépendance politique. Ces revendications sont portées surtout par des groupements clairement identifiés (Rassemblement jurassien; Parti québécois) confrontés à des adversaires politiques également organisés (Union des Patriotes jurassiens; Libéraux et Fédéralistes canadiens). Mais des différences existent: alors que les séparatistes jurassiens, pour la plupart, désirent former un nouveau canton à l'intérieur de la Confédération suisse, les séparatistes québécois revendiquent une "souveraineté-association" vis-à-vis de l'Etat fédéral canadien. La question territoriale est davantage discutée dans le cas jurassien (les frontières religieuses, historiques et linguistiques ne coïncident pas) qu'au Québec. Durant les années quatre-vingt, ces questions identitaires rapprochent ces deux Francophonies périphériques; l'accord de coopération de 1983 entre le Gouvernement du Québec et le Gouvernement de la République et Canton du Jura en témoigne. Mais dans une perspective d'histoire culturelle, les modes de sociabilisations de ces mouvements, travaillées par les revendications plus générales de la jeunesse des années 1960, restent un champ d'étude très stimulant.
Indications bibliographiques:
Les premières missions diplomatiques suisses au Canada sont créées à la fin du XIXe siècle à Montréal, à Toronto et à Vancouver. En 1945, la légation de Suisse, devenue une ambassade en 1957, est ouverte à Ottawa. En-dehors de l'Organisation internationale de la Francophonie, les deux pays cultivent des relations grâce à plusieurs traités internationaux pour la culture: ils font partie du même groupe régional à l'Unesco; en 1987, les deux gouvernements ratifient un accord sur les relations cinématographiques et audiovisuelles.
Au cours du XXe siècle, plusieurs domaines politiques ont amené la Suisse et le Canada à des approches comparatives. Le fédéralisme, et les politiques publiques que ce système implique, ainsi que les questions identitaires représentent des points de comparaison fertiles.
Les politiques fédéralistes : comparaisons à multiples variables : En ce qui concerne la cohabitation des cultures, le système fédéraliste n'est pas figé; il s'adapte, se pense, se conçoit. Il est donc intéressant de voir en parallèle comment les deux Etats, suisse et canadien, font évoluer cette structure politico-culturelle. Quelles sont les proximités et les différences, entre la Suisse et le Canada, à propos du respect des minorités au sein d'un Etat pluriculturel? Quels modèles ont circulé de part et d'autre de l'Atlantique dans le construction de sociétés multilingues. Le regard doit être porté tant sur les cultures qui constituent ces pays que sur l'accueil des cultures qui viennent de l'extérieur. Les angles d'approches sont donc nombreux. En Suisse, le fédéralisme a par exemple été souvent un frein pour développer une action culturelle plus ambitieuse à l'étranger. L'équilibre culturel et linguistique est en effet souvent invoqué, durant la deuxième moitié du XXe siècle, pour ne pas entreprendre une action plus large dans une aire culturelle plutôt qu'une autre. Au contraire, le Québec, selon la doctrine Gérin-Lajoie développée en 1965, peut mener dans de nombreux champs de compétences une politique culturelle et éducative ambitieuse à l'étranger. Dans les années 1960, les fédéralismes suisse et canadien montrent certaines limites ou, du moins, sont obligés à se réinventer au contact de revendications identitaires.
Les questions identitaires : le Jura et le Québec en miroir : La "Révolution tranquille" et la "Question jurassienne" sont constituées d'une série d'événements qu'on peut mettre en parallèle, même si d'importantes différences les séparent. Apparues au lendemain de la guerre, les revendications territoriales québécoises et jurassiennes naissent principalement d'un sentiment d'injustice pour la culture minoritaire et d'une volonté d'indépendance politique. Ces revendications sont portées surtout par des groupements clairement identifiés (Rassemblement jurassien; Parti québécois) confrontés à des adversaires politiques également organisés (Union des Patriotes jurassiens; Libéraux et Fédéralistes canadiens). Mais des différences existent: alors que les séparatistes jurassiens, pour la plupart, désirent former un nouveau canton à l'intérieur de la Confédération suisse, les séparatistes québécois revendiquent une "souveraineté-association" vis-à-vis de l'Etat fédéral canadien. La question territoriale est davantage discutée dans le cas jurassien (les frontières religieuses, historiques et linguistiques ne coïncident pas) qu'au Québec. Durant les années quatre-vingt, ces questions identitaires rapprochent ces deux Francophonies périphériques; l'accord de coopération de 1983 entre le Gouvernement du Québec et le Gouvernement de la République et Canton du Jura en témoigne. Mais dans une perspective d'histoire culturelle, les modes de sociabilisations de ces mouvements, travaillées par les revendications plus générales de la jeunesse des années 1960, restent un champ d'étude très stimulant.
Indications bibliographiques:
- Emile Henry Bovay, Le Canada et les Suisses 1604-1974, Fribourg, Editions universitaires, 1976
- Louis M. Imbeau (dir.), Politiques publiques comparées dans les Etats fédérés: l'Allemagne, l'Australie, le Canada, les Etats-Unis et la Suisse, Les Presses de l'Université Laval, 2005
- Urs Altermatt; Christina Späti, Die zweisprachige Universität Freiburg, Presses universitaires de Fribourg, Reihe: Religion - Politik - Gesellschaft in der Schweiz, Band 51, 2009
- Robert Laliberté (dir.), A la rencontre d'un Québec qui bouge. Introduction générale au Québec, Ed. du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 2009
- Claude Hauser et Yvan Lamonde, Regards croisés entre le Jura, la Suisse romande et le Québec, Presses de l'Université de Laval/Office du patrimoine et de la culture de la République et Canton du Jura, Québec/Porrentruy, 2002
La Suisse et la Francophonie
De la francophonie à la Francophonie
Avec ses 1,8 million d'habitants, la Suisse romande fait partie du monde francophone. Géographiquement contiguë à la France, la Suisse entretient un réseau dense de relations politiques, économiques et culturelles avec ce pays. Sur le plan culturel, ces relations sont caractérisées par les tensions entre le centre parisien, qui est à la fois un lieu de légitimation et un lieu de sélection, et la périphérie où cohabitent des sentiments d'originalité et de marginalité. Mais la Suisse dans la francophonie ne se résume pas aux contacts avec la France. Au niveau officiel cependant, l'entrée de la Suisse dans les institutions de la Francophonie de la seconde moitié du XXe siècle est relativement lente: la diplomatie helvétique est bousculée par cette nouvelle composante francophone sur la scène internationale. Alors que l'Agence de coopération culturelle et technique est créée en 1970 à Niamey, il faut attendre 1989 pour que la Suisse, sur la décision du Conseil fédéral, participe officiellement au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Depuis 1996, la Suisse participe pleinement à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, devenue entre temps l'OIF.
La Suisse s'insère dans plusieurs programmes internationaux ayant trait à la Francophonie. La Conférence universitaire de Suisse occidentale (CUSO), et donc de facto toutes les universités de Suisse romande, fait partie de l'Agence universitaire francophone (AUF). Parmi les contributions de la CUSO, citons la Banque de données lexicographiques panfrancophone à laquelle a collaboré le Centre de dialectologie de l'Université de Neuchâtel. La Suisse participe également, aux côtés de la Belgique, du Canada et de la France, à la chaîne de télévision TV5 monde.
Avec ses 1,8 million d'habitants, la Suisse romande fait partie du monde francophone. Géographiquement contiguë à la France, la Suisse entretient un réseau dense de relations politiques, économiques et culturelles avec ce pays. Sur le plan culturel, ces relations sont caractérisées par les tensions entre le centre parisien, qui est à la fois un lieu de légitimation et un lieu de sélection, et la périphérie où cohabitent des sentiments d'originalité et de marginalité. Mais la Suisse dans la francophonie ne se résume pas aux contacts avec la France. Au niveau officiel cependant, l'entrée de la Suisse dans les institutions de la Francophonie de la seconde moitié du XXe siècle est relativement lente: la diplomatie helvétique est bousculée par cette nouvelle composante francophone sur la scène internationale. Alors que l'Agence de coopération culturelle et technique est créée en 1970 à Niamey, il faut attendre 1989 pour que la Suisse, sur la décision du Conseil fédéral, participe officiellement au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage. Depuis 1996, la Suisse participe pleinement à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, devenue entre temps l'OIF.
La Suisse s'insère dans plusieurs programmes internationaux ayant trait à la Francophonie. La Conférence universitaire de Suisse occidentale (CUSO), et donc de facto toutes les universités de Suisse romande, fait partie de l'Agence universitaire francophone (AUF). Parmi les contributions de la CUSO, citons la Banque de données lexicographiques panfrancophone à laquelle a collaboré le Centre de dialectologie de l'Université de Neuchâtel. La Suisse participe également, aux côtés de la Belgique, du Canada et de la France, à la chaîne de télévision TV5 monde.
De la francophonie à la Francophonie
L'affirmation d'un champ littéraire romand voit le jour dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce mouvement, bien structuré, est alors marqué par un souci d'affirmation de valeurs morales et d'authenticité; il défend une littérature romande comme composante d'une culture suisse.
Au cours des années 1950, les associations pour promouvoir une culture française essaiment également en Suisse. A des associations inspirées par les thèses de Charles Maurras, comme Ethnie française, s'ajoute l'organisation fondée au Québec Union culturelle française, qui est soutenue par des écrivains comme Gonzague de Reynold et Maurice Zermatten.
A partir des années 1960, on assiste à un renouvellement de la francophonie qui coïncide, en Suisse, avec une profonde remise en question identitaire. Le mouvement des décolonisations d'une part et les mouvements séparatistes québécois et jurassien d'autre part ébranlent la diplomatie helvétique, coupée d'un champ culturel romand en mutation.
Indications bibliographiques
L'affirmation d'un champ littéraire romand voit le jour dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce mouvement, bien structuré, est alors marqué par un souci d'affirmation de valeurs morales et d'authenticité; il défend une littérature romande comme composante d'une culture suisse.
Au cours des années 1950, les associations pour promouvoir une culture française essaiment également en Suisse. A des associations inspirées par les thèses de Charles Maurras, comme Ethnie française, s'ajoute l'organisation fondée au Québec Union culturelle française, qui est soutenue par des écrivains comme Gonzague de Reynold et Maurice Zermatten.
A partir des années 1960, on assiste à un renouvellement de la francophonie qui coïncide, en Suisse, avec une profonde remise en question identitaire. Le mouvement des décolonisations d'une part et les mouvements séparatistes québécois et jurassien d'autre part ébranlent la diplomatie helvétique, coupée d'un champ culturel romand en mutation.
Indications bibliographiques
- Gilles Revaz, La Suisse et la Francophonie, CIDEF-AFI, Québec, 2003
- Alain Clavien, Les Helvétistes. Intellectuels et politique en Suisse romande au début du siècle, Lausanne, Société d'histoire de la Suisse Romande & Editions d'En Bas, 1993
- La librairie francophone, chaque semaine organisée par les Radios francophones publiques